I.3.2 Émergence d’une question noire à la fin des années 90’

Parmi les ADA qui résident présentement en France, la majorité de ceux qui ont immigré
sont arrivés des Caraïbes et de l’Afrique dans les années soixante dix. Par le passé,
quasiment tous avaient l’intention de rentrer dans leur pays et se vivaient en France “de
passage” ce qui les aidait à supporter le racisme; et les travailleurs africains renvoyaient
l’essentiel de leurs gains dans leurs pays (…ce qui dans les années soixante-dix a évité dans
leur communauté l’hécatombe lors de la grande sécheresse au Sahel)
La génération née en France commence à se constituer massivement dans les années
quatre-vingt. Compte tenu de l’absence de perspective d’évolution, les jeunes gens et en
particulier les diplômés, savent qu’ils peuvent s’en sortir en émigrant vers l’Angleterre, le
Canada et les USA où de nombreux émigrants des ex colonies françaises sont d’ores et déjà
établis, beaucoup ayant émigré directement de l’Afrique vers les USA.
Au début des années quatre-vingt, le mouvement de protestation des jeunes d’origine araboberbère
(en particulier algériens nés à la fin des années cinquantes et au début des années
soixantes)5 apparaît un moment en force au devant de la scène mais est trompé par le
gouvernemebnt de gauche, qui crée les premiers GONGOS6 antiracistes pour casser la
dynamique.
En ce qui concerne les ADA, aux nombreuses associations de développement des
ressortissants d’un même village (Afrique), et aux nombreuses associations culturelles et de
solidarité (Caribéens), viennent s’ajouter des associations plus diversifiées par leur objet :
associations politico culturelles panafricaines, tontines, chorales et églises etc.
Politiquement, en sus de la dénonciation de l’impérialisme français et des discriminations en
France, la question de la décolonisation des dernières colonies est réactivée au moment de
l’émergence des premières radios libres, et la répression est impitoyable7.
Ce n’est qu’au cours de la décade suivante que “la question noire” parvient à s’imposer en
France.
Lorsque débute le processus préparatoire de la CMCR, comparée aux autres pays
occidentaux qui ont une importante population noire, la France apparaît comme un pays où
la discrimination à l’encontre des Noirs est extrême : en plus de la discrimination
« habituelle », une absence totale de journalistes noirs à la télé, une absence totale de Noirs
dans des rôles valorisants dans les séries télévisés, une absence totale de reconnaissance
des talents noirs encore jamais primés en France dans le cinéma ou le théâtre, une absence
quasi-totale de Noirs en politique (hormis dans les colonies) etc.. Il est évident que la France
n’a pas évolué au même rythme que le reste du monde. La raison en est simple : la France
est encore un pays colonial, et c’est l’État français qui assure à ses grandes sociétés, les
conditions de la poursuite de leur pillage de l’Afrique, une part majeure de leurs profits.
Comme au temps de l’esclavage, le but poursuivi par la politique française est toujours de
« contenir les Nègres » : politiquement, économiquement, mentalement.
5 http://mibmib.free.fr/
6 Organisations officiellement Non-gouvernementales, mais en réalité créées ou instrumentalisées par les
gouvernements
7 Le Président Sankara du Burkina accordera d’ailleurs l’asile politique à un militant originaire de la colonie
française de Guadeloupe.
2ème Partie
A partir de la seconde moitié des années quatre-vingt dix, le mouvement d’occupation des
églises par des clandestins (qui se rebaptisent eux-même “sans-papier” – 1996), de même
que le mouvement de restauration de la mémoire de l’esclavage (1998), sont des
mouvements initiés par des ADA sans le soutien des structures françaises (« de solidarité »,
« antiracistes », de « défense des droits humains », syndicats etc.), qui sont d’ailleurs au
départ hostiles à l’un et l’autre.
A ces mouvements succède un mouvement plus général de dénonciation du racisme ani-noir
et de la citoyenneté de seconde classe (dans les médias, dans l’emploi, dans le logement
etc.)
Cette visibilité soudaine de la revendication noire est renforcée :

  • par la réactivation de la dénonciation de l’impérialisme criminel français en Afrique
    sub-saharienne avec la révélation du rôle clef de la France dans la conceptualisation et
    la mise en oeuvre du génocide au Rwanda en 1994, et la dénonciation par une juge
    d’origine norvégienne des activités criminelle de la société pétrolière Elf en Afrique ;
  • par les incendies de 2005 à Paris (avril-août), qui mettent sous le feu des projecteurs
    les conditions de vie inhumaines de familles, essentiellement africaines, en plein Paris,
    au XXI siècle AD, entre morsures de rats, saturnisme, et parfois manque d’eau courante ;
  • par les émeutes qui débutent en banlieue parisienne (octobre-novembre), en réponse
    à la mort de deux jeunes, un Africain et un Arabe ; rentrant chez eux après avoir joué au
    foot au stade voisin pendant les vacances scolaires, pour échapper à un énième
    contrôle par la police dans leur cité, ils se sauvent et escaladent le mur d’un
    transformateur électrique (un enregistrement d’une conversation entre policiers indiquent
    qu’ils ont laissé les enfants courir à leur mort sans chercher à les alerter) et finalement
    deux meurent électrocutés tandis qu’un troisième est grièvement blessé ;
  • par la montée d’un mouvement dit des « Indigènes », à l’initiative de militants arabes,
    en référence au système appliqué historiquement dans les colonies aux « sujets de
    l’empire » auxquels les droits civiques étaient déniés, l’administration étant en charge, à
    la place des magistrats, de leur appliquer la justice ;
  • par Internet qui a rendu possible l’expression dans l’espace public d’un regard
    critique des ADA sur la société française ; la France qui s’est appliquée à maintenir le
    mythe de son exemplarité en matière d’intégration, dénonçant en permanence le
    « système communautariste anglo-saxon », se trouve publiquement dévoilée par les
    Non-blancs à l’heure où Internet ne permet plus de verrouiller l’information.
    Le Mouvement dit des “sans-papier” (Africains du continent et Haïtiens, 1996) va s’étendre à
    tous les groupes (Asiatiques etc.) et dans toute l’Europe.
    Le mouvement exigeant une reconnaissance de la tragédie de la traite et de l’esclavage va
    déboucher à la fin 1998 sur l’introduction d’une proposition de loi qui se concrétisera après
    trois année de bataille par l’adoption en mai 2001 d’une loi reconnaissant la traite et
    l’esclavage « crime contre l’humanité ».
    La préparation de la CMCR de Durban débute vers 1998.
    Dans le climat qui prévaut en France, l’État comme les organisations antiracistes bien
    établies et les syndicats, choisissent de verrouiller l’information. Sachant qu’à cette époque
    la communauté noire en France n’est pas encore très présente sur Internet (et moins encore
    dans les colonies vu le coût des connections) et que toute l’information « stratégique » y est
    en anglais, peu sont informés de l’importance de la prochaine conférence. 

I.3.3 Reconnaissance par la loi de la traite et de l’esclavage crime contre l’humanité

2ème Partie
En février 1992, un petit groupe d’anti-colonialistes membres du Comité International des
Peuples Noirs (C.I.P.N.)8, manifeste sur le Parvis des droits de l’homme du Trocadéro à Paris
et quelques semaines plus tard adresse un courrier au président de la république française
demandant à l’Europe :
– de reconnaître les trois crimes contre l’Humanité que sont : l’esclavage des Nègres,
le génocide amérindien, le génocide africain,
– de réhabiliter la mémoire des martyrs d’un bout à l’autre des continents américain et
africain,
– de réparer.
Six années plus tard (1998), à l’issue d’une forte mobilisation de la communauté noire
Madame Taubira, députée de la Guyane française (impact inattendu de la colonisation !)
introduit une proposition de loi au parlement français…
En mai 2001, au terme de trois ans d’une bataille juridique, l’État français adopte une loi
reconnaissant la traite et l’esclavage crime contre l’humanité, mais plusieurs volets majeurs
du projet de loi Taubira ont été écartés. En particulier,
– la pénalisation du négationnisme de ce crime contre l’humanité spécifiquement,
– le droit à réparation,
– la rectification des manuels scolaires ; la loi mentionne les programmes scolaires ce
qui est moins précis.

I.3.4 Poursuite par l’État français de sa politique de génocide dans ses colonies

L’usage du mot génocide pourrait sembler indécent, ce n’est pas le cas. Il est, entre autre,
fondé sur :
1 ) l’assimilation,
2 ) la substitution,
3 ) les discriminations institutionnelles en matière économique.
Tout cela s’inscrit dans l’anticipation de la gestion de l’indépendance un jour ou l’autre… Le
moment venu, les autochtones ne constitueront plus un danger du fait de leur faible
démographie et de leur subordination économique.
1) L’assimilation
Inutile de détailler sur le système français d’aliénation. Rien que de très classique:
– Silence total sur l’esclavage qui doit être perçu par les descendants de ceux qui
étaient en esclavage comme une honte,
– dénigrement de la culture et de l’être africain,
– apologie de la culture dite occidentale et de l’Occidental,
NB: Même la diffusion du film Racines, d’Alex Haley, est interdite dans les colonies
françaises.
2) La substitution
8 …en référence à l’IPN, l’Institut des Peuples Noirs pensé par Thomas Sankara au milieu des années
quatre-vingt et dont l’une des missions était d’impulser la restauration d’une conscience historique parmi les
Peuples noirs
2ème Partie
Un simple transfert de population quantitatif et qualitatif dans la vieille tradition coloniale,
complété par une politique de division entre les différents groupes :
– organisation de migrations d’ADA vers la France, versus organisation de Migration de
Français vers les colonies,
– migration de fonctionnaires français, qui contrôlent la justice (juges blancs à 100%…),
la police etc. et qui depuis une dizaine d’années font un rush sur l’éducation (depuis la
maternelle), et même sur tous les petits jobs tels que taxi… dans la plus tradition de la
colonisation de peuplement européenne,
– organisation par l’État français de migrations en direction de ses colonies, et
financement de l’implantation (des affaires) des migrants de diverses communautés :
Chinois dans la région pacifique, Hmongs en Guyane9 etc. sous couvert s’il le faut de
défense des droits humains. La France peut alors réorganiser le jeu politique local, en se
basant sur ces nouveaux groupes.
– Tarifs prohibitifs du transport et des communications téléphoniques entre la France
et ses colonies, entraînant de facto un affaiblissement des familles10.
3) les discriminations institutionnelles en matière économique
– entrave institutionnelle à l’émergence d’une économie noire moderne, par tous les
moyens nécessaires les plus illégaux compris11;
– Financement sur fonds publics de la caste endogamique des descendants
d’esclavagistes (Béké…) pour qu’ils développent leur capitalisme familial privé à un
niveau régional. Les colonies confèrent à la France une présence politique dans toutes
les parties du monde permettant à ce pays d’être membre de nombreuses organisations
régionales. La France utilise actuellement cette caste coloniale pour renforcer sa
présence économique dans le capitalisme mondial.

I.3.5 Après 2001, effacement de la CMCR et de Global Compact et gèle de la Loi Taubira

Ainsi qu’expliqué précédemment, la période de préparation de la CMCR a coïncidé avec une
période de montée du mouvement revendicatif noir en France. De surcroît, l’année 2002
correspondait au bicentenaire du rétablissement de l’esclavage (aboli une première fois en
1794) par le héros national officiel, Napoléon.
CMCR
Dans ce contexte « chaud », la France s’est appliquée à occulter la CMCR avant, pendant et
après sa tenue.
Durant la conférence, les compte-rendus de la « grande presse » (détenue en France par
trois grands groupes) ont été systématiquement négatifs, la CMCR étant tournée en dérision
:
– pagaille (…en filigrane « africaine »),
– racisme anti-Juifs (ce qui est un comble pour une rencontre contre le racisme), et
– dictature dans l’adoption de la résolution finale qui manque donc de légitimité.
9 NB: during the Vietnam war of liberation which spread to Cambodia and Laos, the ethnic group Hmong has
a history of alliance with the US, and of funding by CIA.
10 Même si des dispositions spécifiques avaient été appliquées aux premières générations de migrants (nés
dans les colonies) travaillant comme fonctionnaires, pour leur permettre de voyager.
11 Affaire Jet Aviation Service etc.
2ème Partie
Après la conférence, le souci principal à la fois de l’État français et des GONGOS a été :
– d’effacer le souvenir de la CMCR,
– de revenir sur la légitimité de la loi Taubira.
LA LOI TAUBIRA :
Tout d’abord, le premier ministre socialiste Jospin ne signe pas le décret d’application.
Après avoir retardé jusqu’en 2004 la nomination du comité en charge de mettre en oeuvre la
loi (et l’avoir fait semble-t-il en lui attribuant un budget de fonctionnement quasi-inexistant),
une sorte de lobby apparaît qui travaille tout d’abord à mettre en cause la légitimité même de
la loi Taubira, puis à la vider de son contenu. Rappelons quelques incidents parmi d’autres…
La tentative des historiens : …revenir sur la loi Taubira suppose de remettre en cause
d’autres lois. En 2005, 19 historiens français signent une pétition demandant l’abrogation des
lois sur les génocides juif et arménien ainsi que la loi sur l’esclavage.
La tentative via la presse : Les ADA avaient bien relevé qu’un obscur professeur avait
écrit un ouvrage – faible – pompeusement intitulé “Les Traites négrières – Essai d’histoire
globale”, lequel avait été plébiscité par l’establishment comme étant LE livre sur le sujet.
Mais ce n’est qu’en juin 2005, lors d’un interview de l’auteur par le Journal du Dimanche
qu’ils comprennent ce qui se trame :
Question du journaliste en lien avec la qualification d’antisémite des ADA qui mentionnent
l’enrichissement de Juifs de toutes professions dans le système de l’esclavage :
Réponse de l’historien: « Cette accusation contre les juifs est née dans la communauté noire
américaine des années 1970. Elle rebondit aujourd’hui en France. (…) C’est aussi le
problème de la loi Taubira qui considère la traite des Noirs par les Européens comme un
« crime contre l’humanité », incluant de ce fait une comparaison avec la Shoah. Les traites
négrières ne sont pas des génocides. La traite n’avait pas pour but d’exterminer un peuple.
L’esclave était un bien qui avait une valeur marchande qu’on voulait faire travailler le plus
possible. Le génocide juif et la traite négrière sont des processus différents.» ….Ainsi, les
ADA seraient antisémites, et la Loi Taubira serait juridiquement infondée, produit d’une
confusion.
Une fois de plus, les militants doivent se mobiliser pour contrer ce piège. Un sur une longue
liste.
La tentative des députés: le 5 mai 2006, (soit cinq jours avant la première
commémoration officielle de l’abolition de l’esclavage) 40 députés du parti de droite UMP (le
parti de Nicolas Sarkozy) adresse au Président de la République une lettre afin de demander
le retrait du paragraphe suivant de l’article 2 de la loi Taubira : “ Les programmes scolaires et
les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite
négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent. ”. Le motif invoqué est que
tous les sujets doivent être traités sur un pied d’égalité. The motive adduced being that all
subjects must be dealt with, on an equal footing. …Rappelons que ce sujet (Esclavage et
Code Noir, non-abolition de l’esclavage par la Révolution de 1789, restauration de
l’esclavage en 1802 par Napoléon et programme d’extermination en Haïti, indemnisation des
propriétaires d’esclaves lors de l’abolition of 1848 etc. etc.) est non-existant dans les
manuels scolaires.
Les ADA constatent: l’histoire africaine effraie les puissants.

I.3.6 Négation du caractère criminel de la colonisation

L’État français lutte depuis un demi siècle pour conserver ses dernières colonies ou pour les
conserver le temps suffisant pour parvenir à changer significativement la composition de
leurs populations.
En adoptant la loi Taubira, l’État français avait pensé apaiser les tensions.
Après Durban, il est probable qu’il est devenu évident pour tout un chacun,
que le calcul était erroné.
Ce dont il est question c’est de la marche de l’histoire, et la freiner risque d’être plus
compliqué dans un monde globalisé.
Quatre ans après le vote de la loi française sur l’esclavage, le 23 février 2005, le parlement
français tente de remonter le temps en passant, en douce, une loi comportant un paragraphe
sur à la fois, l’impact historique positif de la colonisation et l’impératif de l’enseigner.
La mobilisation grandit:
– en France, parmi les enseignants et les historiens qui considèrent anormal d’adopter
une telle loi qui empiète sur leurs attributions et sape ouvertement leur fonction;
– dans la Caraïbe et particulièrement en Martinique parmi les ADA qui dénoncent une
provocation de plus, un coup tordu de plus, une preuve supplémentaire du manque total
du respect minimal envers les victimes du criminel système colonial, et tout
particulièrement, envers eux-mêmes, descendants d’Africains détenus en esclavage.
En novembre 2005, les députés refusent d’amender la loi
En décembre 2005, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, est obligé d’annuler son
voyage prévu dans les colonies de la Caraïbe. En Martinique, Aimé Césaire a averti qu’il ne
le recevrait pas, et les militants, que s’il osait venir, ils sauraient l’accueillir.
Le mois suivant, en janvier 2006, le Président de la République décide de lui même de
mener à bien la suppression dudit paragraphe, et cinq jours après la suppression de l’infâme
paragraphe, reçoit les membres du CPME (Comité chargé de la Mémoire de l’Esclavage),
pour leur dire combien il apprécie leur travail et qu’en accord avec leur proposition, la date
nationale de commémoration annuelle retenue est le 10 mai.
…Toutefois, la détermination à empêcher une demande de réparation pour la colonisation
(Africains, Arabes, Asiatiques du Vietnam…) demeure. Et entre temps, l’État français lance,
en Afrique même, par l’intermédiaire des Présidents africains qui sont sous son contrôle, une
vaste réhabilitation de l’image de la colonisation.

I.3.7 Réticence à prendre en compte la spécificité du racisme antinoir

La demande de reconnaissance d’un racisme anti-noir est mal reçue.
Officiellement, parce que la France refuse le système communautariste anglo-saxon, que la
République française rassemble des citoyens unis par l’adhésion à un pacte républicain
indépendant de leur origine. Également, parce que les Noirs ne sont pas les seuls
discriminés à cause de leur origine : et de fait, les Arabes et les Roms en particulier sont
également discriminés dans le même registre (emploi, logement, formation, rapports à
l’administration en général, image dégradante…) même s’il y a des différences notoires…
Après tout, en France comme dans les autres pays occidentaux, ce sont les joueurs noirs qui
essuient les cris de singe et les jets de bananes dans les stades ; et ce sont les Noirs qu’un
écrivain et animateur connu de la TV française, appelle publiquement à stériliser.
2ème Partie
En réalité, la reconnaissance de l’antisémitisme à l’égard des Juifs (sachant que la France
fait partie des « alliés » qui ont vaincu le nazisme) et de l’Islamophobie (que l’on se plaît à
faire remonter aux croisades puis à l’invasion de la péninsule ibérique et à la reconquête par
les Chrétiens) ne pose pas les insurmontables problèmes soulevés par la reconnaissance du
racisme anti-noir.
Car le racisme anti-noir puise toute son origine dans un fait colonial toujours d’actualité. Il ne
s’agit pas du passé, mais du présent et en particulier de la politique coloniale actuelle de la
France et de sa politique néo-coloniale meurtrière de pillage de l’Afrique qui perdure.
Le combat pour la reconnaissance par la France du racisme anti-noir et de sa base
économique est donc appelé à se poursuivre.

I.3.8 Racisme anti-noir en France

En France, les ADA qui sont actuellement estimés officiellement à 5% (3 millions), sont
passés par trois stades :
– jusque dans les années quatre-vingt : le refus par la France de se reconnaître
comme une société imprégnée par la suprématie blanche12 ;
– dans les années quatre-vingt dix : l’émergence dans l’espace public d’un regard et
d’un jugement des Non-blancs sur l’histoire et la société françaises ;
– à partir de 2001, (Loi Taubira, CMCR, attentats contre le World Trade Center): dans
un contexte de disparités, de précarité et de pauvreté croissantes, la réaction à ce
regard des Non-blancs largement perçu comme une agression, voire une trahison,
avec en particulier :
 le questionnement par les ADA des pages les plus glorieuses de l’histoire
officielle: une histoire coloniale pluriséculaire, avec en ligne de mire les “philosophes
du siècle des lumières”, la plupart vivant de leurs rentes négrières, la révolution
française qui n’a pas aboli en 1789, et Napoléon qui a restauré l’esclavage et promu
des lois ségrégationnistes qui inspireront directement les Sud-Africains au siècle
suivant. Si la France officielle a un trou de mémoire, les ADA semble présentement
déterminés à l’aider à se remémorer, et semblent également avoir parmi les
chercheurs un nombre d’alliés qui va croissant;
 et la perte par la France du contrôle sur son image dans le monde, par
exemple lors des émeutes de 2005 en région parisienne13 et durant la « marche des
indigènes » (voir I.3.2).
En 2002, Madame Taubira, Députée et femme d’ascendance africaine de Guyane, se
présente à l’élection présidentielle comme candidate du Parti des Radicaux de Gauche. Elle
est spécifiquement boycottée par les médias. Seules des personnalités noires font savoir
leur indignation.
En 2005, la ville de Paris concourt pour l’organisation en 2012 des jeux olympiques, et
échoue.
Media et politiques expriment une grande amertume. Les ADA observent que le film présenté
pour introduire la candidature française, sous couvert de pittoresque, tournait autour de
l’époque apparemment idéale (années trente) où les Français typiques (béret basque et
12 Rappelons qu’en Angleterre, la Commission pour l’Égalité Raciale a été créée en 1976.
13 Et la presse des USA n’était pas tendre vu la manière dont la presse française s’était ouvertement réjouie
durant la tragédie de l’Ouragan Katrina à la Nouvelle Orléans, du (mauvais) traitement des dommages,
commentés quotidiennement comme preuve patente de l’échec du système US mais dans un sens qui
systématiquement renvoyait à la supériorité de l’humanisme français.
2ème Partie
baguette de pain) vivaient entre eux. Ceux qui parmi les ADA, après la victoire de
l’Angleterre, entendent le discours de Blair soulignant la multiculturalité de Londres, rient
sous le manteau. Pas besoin d’être un grand intellectuel pour voir la couleur de nombreux
champions sportifs français…
Qu’en est-il de l’atmosphère actuelle ?
En 2007, parmi la majorité blanche, de plus en plus de gens se disent ouvertement et sans
complexe racistes. L’expression « nous les pays civilisés » est courante à la TV et à la radio.
Le mantra en direction des étrangers (ce qui signifie ici personnes d’origine extraeuropéenne
et Africains en particulier) c’est : « Aimez la France ou quittez la » (comme si les
ADA qui sont en France étaient venu là par un choix purement touristique !). La diversité et
la multiculturalité sont globalement perçues comme négatives, et ceux qui, quotidiennement
discriminés, manifestent un quelconque attachement à leur culture d’origine, a fortiori s’ils
ont grandi en France (ce qui signifie dans l’esprit de la majorité blanche ayant joui des fruits
de la générosité française, parmi lesquels la nationalité), sont perçus en ennemis intérieurs,
en danger potentiel, en diviseurs fissurant la nation pour l’affaiblir. Le langage employé par
les médias et les politiques est généralement excessif14.
Et pour ceux que l’on range parmi les « biens intégrés »,ils ont souvent l’impression que
lorsqu’une personne noire obtient un poste à responsabilité ou une place dans une Grande
école ou une école de commerce prestigieuse par exemple, c’est comme s’ils avaient spolié
de son dû une personne blanche.
L’extension de l’USA Patriot Act (loi patriotique US) aux pays européens
Les attentats de septembre 2001 ont permis une brusque accélération du processus en
cours, d’une intégration des polices occidentales15.
14 Pendant les émeutes, le scénario semblait être le suivant: L’Homo Sapiens Sapiens, blanc (stade achevé de
l’évolution humaine) face à l’importation sur son sol de l’archaïque système tribal africain. Ceci,bien que
dans les faits, les Arabo-berbères et les Blancs aient été globalement et de loin les plus nombreux à prendre
part aux quelques semaines d’émeutes qui à partir d’octobre 2005 ont gagné à travers tout le pays des
quartiers confrontés à la pauvreté, au chômage et au manque d’espoir. Mais la presse et les politiques sont
restés centrés sur les Africains, et les commentaires qui dominaient conduisaient à penser que les émeutes
résultaient du manque de l’(absence d’) éducation des enfants par les familles africaines, encore polygames
et adeptes de l’excision et des mariages forcés (!). Autrement dit, récalcitrantes à la civilisation et par
conséquent à l’intégration. En réponse aux émeutes, des députés de droite ont appelé à des poursuites contre
divers groupes de Rap qui dans eurs chansons avaient par le passé critiqué la République
française. …Toutefois ce qui mérite d’être souligné, c’est que la presse et les politiques ont servi au public,
sur les émeutes (Octobre-Novembre 2005), les mêmes arguments qu’ils avaient utilisés, apparemment pour
justifier les tragédies, après les incendies qui avaient eu lieu à Paris d’avril à août 2005 (49 morts, 77 blessés,
d’ascendance africaine dans leur grande majorité – Et des incendiaires qui courent toujours). Tragédie,
uniquement pour les ADA et les défenseurs des droits humains. Parce que la France officielle, pourtant
réputée pour son hypocrisie, n’avait pas fait ne fut-ce que le minimum pour témoigner publiquement de sa
compassion. Les Africains victimes s’étaient retrouvés transformés en accusés. Et les marches de
protestations n’avaient pratiquement pas été retransmises à la TV.
15 Depuis les années quatre-vingt dix, il y a un programme de transformation des polices et des systèmes
judiciaires dans les pays européens (notamment) pour qu’ils évoluent vers le système US. Pour ce qui est de
la police, intégration institutionnelle des polices occidentales, mais également via les syndicats ; cela s’est
récemment révélé en France dans l’affaire Mumia Abu Jamal, où pour contrer la solidarité en France, le FOP
– Fraternel Order of Police (Ordre Fraternel de la Police) des USA se fait relayer par son alter ego en France
(syndicat de droite), le syndicat « Alliance ».
2ème Partie
En France l’évolution s’est clairement manifesté au cours des dernières années.
Entre 2002 et 2004, le système judiciaire français a été complètement modifié pour se
approcher du système états-unien, et l’équivalent du US Patriot Act a été adopté (lois
Sarkozy et lois Perben). Dans le même temps, plusieurs observatoires ont été mis en place
pour contrôler les personnes considérées potentiellement dangereuses et les étrangers.
Parmi les principales caractéristiques de cette évolution : l’extension des droits des policiers
et des gendarmes ; l’allègement des procédures qui mènent à l’arrestation et à la
condamnation; la criminalisation de la pauvreté; la mise en cause de la « présomption
d’innocence »; le développement des sanctions pénales à l’encontre des mineurs; la
promotion par l’État français de la cohabitation de plusieurs systèmes de justice fonction du
public ciblé, avec en particulier le recrutement de « juges de proximité »; le paiement de
primes aux policiers et magistrats en fonction de leur efficacité (ce qui signifie ceux qui ont le
taux le plus élevé d’arrestations et de condamnations); et de surcroît , un flou extrême dans
la définition de ce qui est dénommé la « criminalité organisée » pouvant permettre l’adoption
de toutes sortes de mesures d’urgence.
A l’heure actuelle dans la vie quotidienne, les ADA et tout particulièrement ceux qui n’ont pas
la nationalité française, expérimentent déjà clairement l’aggravation de la répression en
fonction de l’origine ethnique : le pouvoir de la loi diminue et les gens sont de plus en plus
confrontés à l’arbitraire, notamment dans leurs relations avec l’administration. De plus une
répression forte des personnes qui manifestent leur solidarité avec ceux ciblés, devient la
règle.
Concernant les revendications des ADA, la volonté d’une grande part des officiels, de
reprendre le contrôle de la situation s’est est manifeste depuis Durban (CMCR, 2001) : le
slogan du moment est « Halte à la repentance ! »
…Réponse tronquée pour éluder la question.
Car qui a parlé de repentance ?
Pas les ADA en tout cas. Les ADA parlent de Réparations.
Des réparations qui passent tout autant :
– par une intégration dans l’histoire enseignée dans les écoles et les encyclopédies,
DES FAITS historiques ; des faits qui doivent se substituer aux affabulations et venir
combler les vides visant à une occultation ;
– par des compensations financières.
Le programme de développement du business carcéral
Le ciblage par les médias des Africains noirs s’est fortement intensifié ces dernières années
Les ADA sont désignés comme le groupe non-intégrable.
Ainsi que dit précédemment, lors des émeutes, alors que les images indiquaient qu’ils
étaient minoritaires, les commentaires de la presse se focalisaient sur les jeunes garçons
noirs et sur l’incapacité de leurs familles à les lever et à les contrôler.
Dans le même temps, on relève que les syndicats de gauche des personnels pénitentiaires
s’alarme du vaste programme en cours de construction de prisons dans lequel il est prévu
que la conception, le financement, la réalisation et la gestion quotidienne soient confiés au
privé, l’Etat devenant locataire des murs.
2ème Partie
Le modèle US est à l’évidence en train de se mettre en place en France.
Au vu du fonctionnement essentiellement colonial du pays, il ne serait pas étonnant que le
gouvernement recrute quelqu’un d’ascendance africaine pour mettre en application l’infâme
programme.

I.3.9 Racisme anti-noir et xénophobie dans les colonies françaises

En dépit d’un courant significatif de résistance, les colonies françaises sont comme
l’ensemble des Amériques infectées par la suprématie blanche. Ce même héritage européen
est toujours vivant :
– racisme anti-noir,
– hiérarchisation des teints,
– classification des divers groupes au sein de la Diaspora en fonction de leur supposée
plus ou moins grande proximité de la barbarie africaine. Les Haïtiens étant considérés
comme les Africains des Amériques16.
La spécificité des colonies françaises tient néanmoins à:
– l’auto-dénigrement par des chanteurs et des animateurs passant à la radio et à la
TV17,
– le soutien des autorités françaises qui leur permettent d’exprimer non-stop ce
racisme.
UN EXEMPLE SERA PLUS EFFICACE QU’UN DISCOURS THÉORIQUE
sur ce sujet des plus importants
1990, une télévision privée est créée en Guadeloupe: dans sa programmation les deux
piliers sont : la pornographie (d’où le nom de cette TV : ©Anal 10) et des discours orduriers
sur les Noirs en général et en particulier les Haïtiens, par l’entremise de son animateur
vedette, Ibo Simon (Noir et portant des locks) qui est chaque jour à l’antenne six jours sur
sept.
Ibo Simon est sponsorisé par un Béké (c’est à dire un descendant de propriétaire
d’esclaves) particulièrement fortuné de Guadeloupe.
La TV émet sans autorisation du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) qui est en charge
de la diffusion radiophonique et télévisée en France et dans les colonies françaises.
…Les Nègres sont des incapables, ils n’ont jamais rien inventé, ils ne sont pas
sérieux…L’heure est venue de nettoyer la Guadeloupe de tous ces couillons de toute cette
vermine venue des îles voisines, tout cela bien entendu en rire et en chanson, sur le mode
de l’autodérision.
16 Néanmoins, il est possible que la haine du Haïtien soit à relier à l’Histoire qui, pour l’ensemble des militants
africains dans le monde, fait du Haïtien le symbole de la rébellion et de la victoire sur l’esclavage et la
colonisation (même si l’Occident n’en finit pas de le faire payer au peuple haïtien). Un symbole auquel font
difficilement face ceux qui, appartenant à des peuples encore sous le joug colonial, ne se décident pas à
s’engager dans la lutte de libération.
Durant la campagne électorale française début 2007, aux groupes qui en Guadeloupe soutenant la candidature de
Nicolas Sarkozy faisaient de la surenchère sur l’arrêt du flot des migrants haïtiens, Gilbert Leonard (GAC/
Europe) rétorquait : « Que la France rembourse la rançon de 150 millions de francs or extorquée pour
l’indépendance !»
17 Affaires Ibo Simon, Paulo Albin etc.
2ème Partie
Puis Ibo Simon monte un parti politique : « Gwadloup Doubout » (Guadeloupe debout). Que
des cadres et des entrepreneurs rejoignent. D’ailleurs Ibo Simon démarche les
entrepreneurs, expliquant « son » projet de créer une société pour assurer la sécurité à tous
les niveaux: une équipe de gars en uniforme, parfaitement disciplinés, qui sauraient
maintenir l’ordre y compris, à l’occasion, remettre les grévistes au travail.
Et Ibo Simon est, en 1995, à la surprise générale, élu avec 8% des suffrages conseiller
municipal de Pointe-à-Pitre. Deux ans plus tard en 1997 il progresse pour atteindre près de
15% des suffrages.
En 1998, « sa » TV obtient l’autorisation officielle d’émettre.
Et 2001, l’année de la CMCR de Durban est aussi celle de la consécration d’Ibo Simon qui
fait son entrée au Conseil régional et obtient à Pointe-à-Pitre 22%, aux élections
municipales.
Finalement, ©Anal 10 passe au stade suivant : ne se contentant plus de lancer de véritables
appels au lynchage des Haïtiens, Canal 10 décide de diffuser désormais à l’antenne les
images de ces expéditions visant comme le disait Ibo Simon à exclure les « indésirables ».
Et ce n’est qu’en 2002, soit après avoir sévi douze ans, qu’Ibo Simon sera
interdit d’antenne. Il était temps. Pointe-à-Pitre était pleine de graffitis « Haïtiens
dehors » et des milices armées avaient commencé à se constituer.
L’intéressant dans tout cela, c’est que pendant douze ans, malgré les plaintes et
protestations (à commencer par celle du député-maire de la ville) et la constitution du
collectif « Appel contre la barbarie », les autorités françaises ont fait la sourde oreille pour
éviter d’appliquer la loi et de devoir condamner cette TV. Le CSA a même délivré
l’autorisation en 1998, en sachant parfaitement que le programme était lourdement raciste et
illégal.
Tout ceci en Guadeloupe. Une terre de résistance qui à plusieurs reprises a mené la lutte
contre le système colonial. Et le pays de plusieurs de ceux qui, en 1992, avaient écrit une
lettre au Président de la République française pour exiger la reconnaissance des crimes
coloniaux et demander réparation.
Rappelons que dés 1994 une plainte avait été déposée contre ©Anal 10.
Cette même année 1994, où une autre télévision, dans la Martinique voisine, TV Moun
Matinik, émettant également sans autorisation du CSA français, faisait ses premiers essais
avec la diffusion de « L’aube Noire » dessins animés haïtiens racontant l’histoire de
l’esclavage et de la révolution haïtienne, ou encore avec la diffusion de documents sur
l’apartheid en Afrique du Sud …
Sans tarder, et sans qu’aucune plainte n’ait été déposée, le 21 septembre à l’aube, l’armée
française débarquait dans la commune de Sainte-Anne, saisissais le matériel, détruisait les
studios et molestait son Maire.
Cette même année 1994, qui resterait à jamais gravée dans la mémoire noire par le
génocide du Rwanda. Un Génocide dans lequel un media avait joué un rôle central dans le
conditionnement des esprits. La « Radio-télévision libre des mille collines », montée au
printemps 1993. Une radio financée et montée par la France. Une radio qui durant une
année, avant que le signal du génocide ne soit donné, distillait son poison quotidiennement
en diffusant des satires comiques entrecoupées de joyeuse musique congolaise. …Une
radio dont il aurait peut-être suffi de brouiller les ondes, pour éviter le pire. Il faut donc en
conclure qu’il se pourrait que le pire ait fait là aussi partie d’un programme.

I.3.10 Lutte institutionnelle contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance qui y est liée depuis 2001

Le contexte français :
Depuis 2001, année d’adoption de la Loi Taubira (mai), et de la CMCR (septembre), les
Réparations sont l’enjeu véritable. Les officiels n’en parlent pas ouvertement, mais plusieurs
de leurs actions politiques et de leurs déclarations témoignent de leur obsession cachée :
comment en finir avec ça.
Institutionnellement, quels sont les progrès enregistrés depuis 2001 ?
2004, nomination du CPME, le Comité Pour la Mémoire de l’Esclavage18, chargé de mettre
en oeuvre la Loi Taubira.
Bien que sa constitution ait été trop longtemps retardée (Loi 2001 – CPME 2004), et que
ses membres aient semble-t-il été nommés au départ sans le budget de fonctionnement
allant avec, ce Comité s’est révélé en trois ans d’existence positif.
Avec à leur tête le Professeur Maryse CONDE, les membres du CPME ont réalisé un travail
colossal, pionnier et de qualité : à la fois d’experts et de militants des droits humains ; de
militants conscients de la gravité de la situation et de l’opportunité qu’ils avaient de
contribuer à la coordination des initiatives et au développement des synergies.
Le Comité a dressé un état des lieux et a présenté des propositions concrètes portant :
– sur l’impératif d’une commémoration en France (et pas uniquement dans les colonies
qui commémorent déjà depuis plusieurs années). Une commémoration articulée autour
des mémoires et de l’histoire de la mise en oeuvre de ce crime, et autour de la
célébration de son abolition ;
– sur l’enseignement et les manuels scolaires, du primaire au supérieur, sur les actions
pédagogiques et sur la formation des enseignants ;
– sur l’organisation et l’amélioration de la recherche et sur ses liens formels avec la
recherche internationale sur cette question ; la France est un pays où l’oubli a été
organisé et le silence entretenu jusqu’à ce que récemment ce silence ait été déchiré sous
la pression des ADA ;
– et sur les archives et les collections d’objets relatifs à la traite et à l’esclavage, et à
l’abolition. Il s’agit notamment de libérer les archives : les archives privées sont pour
l’essentiel non accessibles (les familles aisées qui ont bâti leurs fortunes sur le
commerce infâme résistent et peuvent les détruire), et les archives publiques qui pèchent
par défaut d’inventaires, sont dispersées ça et là et ne sont pas aisément consultables.
Le comité est en sus en train d’élaborer un programme de travail et de réflexion pour le
développement de la connaissance et de la reconnaissance :
– du passé de traite humaine et d’esclavage,
– de l’impact au présent et sur le futur de ce passé, et
– des formes contemporaines de servitude.
Enfin le comité lutte actuellement pour la création d’un Centre national pour l’Histoire
et la Mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions.
Le mandat du Comité comprenait la proposition d’une date officielle de commémoration
annuelle
18 http://www.comite-memoire-esclavage.fr
2ème Partie
en France, et la commémoration officielle est devenue effective le 10 mai 2006.
En présence du Président de la République accompagné de Ministres et d’élus, une
cérémonie solennelle a été organisée à Paris dans le Jardin du Luxembourg transformé
deux mois durant par “La Forêt des Mânes”, une oeuvre d’art d’envergure (musicale,
photographique, minérale, avec parfums, objets et matériaux divers) de Léa de Saint-Julien,
une femme de Guadeloupe.
Ce même jour, le Sénat français présentait un concert exceptionnel de la musique du
Chevalier de Saint-Georges, fils d’une femme africaine en esclavage, l’un des compositeurs
les plus créatifs de la fin du XVIII siècle, et totalement oublié deux siècles durant.
Des résultats intéressants sont donc déjà enregistrés grâce au travail du CPME, et la
présence à Paris de l’UNESCO devrait contribuer à favoriser sa tâche en ce qui concerne
l’articulation des archives écrites de l’Europe avec les archives/traditions orales de nos pays.
Nous ne pouvons néanmoins pas ignorer que les propositions du CPME ne se
concrétiseront pas dans les manuels scolaires si nous ne maintenons pas la pression.
D’autre part, si intéressant que soit le travail entamé par le CPME, les militants doivent
garder en tête que pour le moment son mandat porte précisément sur la traite esclavagiste,
l’esclavage et les abolitions, quand nous avons un besoin urgent d’une réécriture complète
des manuels scolaires depuis la genèse de l‘humanité.
CMCR, et lutte nationale contre les discriminations
En dépit de la puissance du lobby interne déterminé à effacer la CMCR, la France en tant
que membre de la communauté internationale, est contrainte de faire face à ses
engagements à l’échelon international (Europe: EUMC/FRA & ECRI19, et Nations Unies);
ceci, combiné à la pression interne des dénonciations et demandes noires et arabes, a
conduit l’État français à finalement agir : notamment,
– en mettant en place en 2000 une Commission Nationale de Déontologie de la
Sécurité (CNDS) devant fournir des évaluations détaillées du comportement des
policiers;
– en adoptant en février 2003 une nouvelle loi qui alourdit les sanctions quand le délit
est motivé par « le racisme, l’antisémitisme ou la xénophobie »;
– en adoptant en janvier 2004, un Plan d’Action Positive pour les chaînes TV publiques,
– en promouvant fin 2004 ce qu’il dénomme Charte de la Diversité20, probablement
pour éviter de se référer à la CMCR puisque c’est la copie de Global Compact lancé à
Durban par le Secrétaire Général des Nations Unies,
– en créant en 2005 (les émeutes faisant office de starter), une Haute Autorité de Lutte
contre les Discriminations et pour l’Égalité – HALDE 21 ayant pour mandat la lutte
générale contre toutes les discriminations (pas spécifiquement raciales),
– En mettant en place en 2006 l’Agence Nationale pour la Cohésion Sociale et l’Égalité
des chances22.
19 EUMC/FRA (Observatoire Européen des Phénomènes Racistes et Xénophobes remplacé par l’Agence
Européenne des Droits Fondamentaux) et ECRI (Commission Européenne contre le Racisme et
l’Intolérance).
20 Charte de la Diversité
21 http://www.halde.fr
22 http://www.lacse.fr
2ème Partie
Il est encore trop tôt pour juger de l’impact de ces initiatives tardives.
Enfin, après l’accroissement au cours de la dernière décade du nombre de rencontres et de
publications universitaires sur les dommages de la colonisation, l’autre volet mis à l’agenda
par les militants, à savoir les réparations pour ces dommages, a fait son entrée dans une
université française avec le premier colloque sur les réparations organisé par le Département
d’Anglais de l’Université de Tours en décembre 2006. Il s’agissait d’organiser un échange
entre universitaires et militants des USA, d’Angleterre et de France sur les Réparations, afin
de comparer les fondements culturel, social, historique et juridique de leurs approches dans
un contexte globalisé.

I.3.11 Lutte des ADA contre le racisme anti-noir depuis 2001

Le combat des AAD devrait logiquement se concentrer :
– sur la mise en oeuvre de la loi Taubira
– sur la diffusion de l’agenda de Durban
– sur le développement de notre histoire et de médias autonomes,
– sur le développement d’un puissant mouvement panafricain
– sur le développement d’un puissant mouvement oecuménique à l’intérieur de
la communauté
Ce combat est pour le moment, en pratique, perturbé par deux choses :
– le conflit Noirs/Juifs en France que s’attèlent à construire quelques individus23,
– l’argent.
ADA et Blancs juifs en France :
Il y a très clairement depuis ces dernières années, un climat de tension qui s’est développé
en France entre Blancs juifs et ADA. Sans entrer dans les péripéties apparentes de sa
genèse, il faut savoir qu’il y a un projet politique sous-jacent. Certaines personnes essaient
en effet de créer en France comme en Méditerranée, un bloc euro-méditerranéen (ce qui
dans ce cas semble signifier pour eux Blancs chrétiens, Blancs juifs et Arabes/Berbères en
particulier) pour faire face aux ADA, sachant qu’en matière de colonialisme et d’esclavage, et
par conséquent de Réparations, les ADA sont fondés à mentionner également, juifs,
chrétiens et musulmans.
Quel impact cela a-t-il sur les AAD ?
23 ni juifs ni chrétiens, car s’ils l’étaient au sens religieux du terme ils auraient sans doute mieux à faire. La
caricature en est « L’appel contre le racisme anti-Blanc » lancé à la suite des manifestations lycéennes à
Paris de mars 2005 par Radio Shalom et Hachomer Hatzair à l’instigation d’ Alain Finkielkraut, de Bernard
Kouchner, de Pierre-André Taguieff, de Jacques Julliard, d’Elie Chouraqui, et de Chahdortt Djavann.
2ème Partie
Cela requière la surveillance permanente et l’organisation rapide de ripostes, absorbant
l’essentiel de l’énergie de certaines personnes ou de certains groupes.
Pour ces militants, au delà des péripéties, le fond du problème demeure qui nécessite d’être
résolu : à savoir,
– la négation de la part (apparemment majeure) dans la prospérité de la
communauté juive, qui provient de la traite et de l’esclavage avant-hier, de la colonisation
et de l’apartheid hier, et du néo-colonialisme aujourd’hui ;
– la négation de la part (également majeure) de la référence à l’idéologie
religieuse juive (malédiction de Kam) dans la justification de l’esclavage et de son legs au
présent, en l‘occurrence le racisme anti-noir ;
– la responsabilité (jugée par eux considérable) dans la perpétuation de la
diffusion d’une image raciste des Noirs compte tenu du rôle particulier de certains
membres de la communauté juive dans les médias en France (à la fois en terme de
financement et de management, et en nombre de journalistes d’ascendance juive) et de
sa parfaite connaissance (c’est du moins ce qu’en pensent ces ADA se fondant sur
l’expérience juive d’oppression en Europe) des rouages des manipulations racistes..
Tant que ces problèmes n’auront pas été traités sur le fond, des individus minoritaires et
malfaisants continueront probablement à s’adonner à la manipulation des « communautés ».
Dans ce contexte, sachant que les camarades d’ascendance juive sont nombreux et actifs
dans le mouvement antiraciste, et qu’ils managent l’essentiel des principales organisations
anti-racistes nationales en France, sans discontinuer depuis la guerre 1939-45, il ne faut
donc pas s’étonner de la radicalité de la volonté qui s’est manifestée en France d’effacer
Durban.
L’argent :
Il y a derrière certaines associations et leaders ADA qui occupent le devant de la scène ces
dernières années, des financements : qu’ils viennent des partis français, de Tripoli et/ou des
Fondations US importe peu. Qui dit financement externe, dit négociations, dit
infléchissement voir même détournement des agendas initiaux.
En France, en l’absence de leaders d’envergure, tous les bailleurs sont actuellement à la
course pour créer au plus vite un leadership et des associations à leur solde.
Néanmoins, les AAD de France ont fait ces dernières années un réel travail, en ce sens que
les problèmes de fond auparavant tus, sont maintenant pour l’essentiel à l’agenda (l’agenda
des ADA et l’agenda national) et qu’un travail dynamique de conscientisation (qui participe
en lui même de la réparation) se poursuit.
Et en interne, en dépit de leur manque de moyens, beaucoup de militants noirs font de leur
mieux pour poursuivre leurs investigations et leur popularisation de l’histoire globale
africaine, pas uniquement sur l’esclavage mais depuis la genèse en passant par l’antiquité.

I.3.12 Recommandations

L’intensité du racisme subi par les ADA est directement liée à la situation qui prévaut dans
leurs pays d’origine.
Le fond du problème, c’est l’achèvement de la décolonisation et la poursuite et l’accélération
de la libération de l’Afrique.
La lutte contre le racisme anti-noir et le combat pour le recouvrement par l’Afrique de son
indépendance totale et de sa puissance, sont étroitement liés.
Entre temps, nous pouvons recommander:
1) de mettre Durban à l’agenda en France et dans les colonies ;
2) dans le sillage de l’action de 199224 et de la Conférence des Africains et des
Descendants d’Africains à Vienne qui s’est tenue dans le cadre de la préparation de la
CMCR de Durban:
– poursuivre la lutte pour la reconnaissance du caractère criminel de la colonisation,
– faire campagne à travers l’Afrique pour dénoncer sur cette question
l’instrumentalisation des gouvernements à la solde de l’État français pour saboter le
travail des militants ;
3) de lutter pour la mise en oeuvre complète de l’article 3 de la Loi Taubira, notamment
pour ce qui concerne l’Europe : « Une requête en reconnaissance de la traite négrière
transatlantique ainsi que de la traite dans l’océan Indien et de l’esclavage comme crime
contre l’humanité sera introduite auprès du Conseil de l’Europe, des organisations
internationales et de l’Organisation des Nations unies.“ ;
4) de lutter pour la publication25 de statistiques ventilées sur des aspects pertinents pour
la mise en lumière des discriminations contre les ADA, in particulier:
– sur l’espérance de vie des ADA en France et dans chacune des colonies françaises,
– sur les ablations de l’utérus des femmes noires en France et dans chacune des
colonies françaises,
– sur les césariennes pratiquées sur les femmes noires en France et dans chacune des
colonies françaises,
– sur les taux de cancers de chaque catégorie, dans chacune des colonies françaises,
– sur l’évolution de l’ethnicité des enseignants dans chacune des colonies françaises,
– sur l’ethnicité des juges et des policiers dans chacune des colonies françaises,
sur les condamnations des ADA en France et dans les colonies françaises,
– sur les incarcérations des ADA en France et dans les colonies françaises,
– sur la formation des ADA en France et dans les colonies françaises,
– sur l’emploi/le chômage des ADA, en rapport avec leur niveau d’études, en France et
dans les colonies françaises,
– sur le financement à la fois public et privé des projets économiques soumis par les
ADA,
– sur le niveau de revenu et la carrière des ADA rapportés à leur niveau d’études.
24 Manifestation sur la Place des Droits Humains à Paris par le CIPN.
25 Depuis plus de quinze ans d’importants travaux de recoupement des statistiques (de la police, des services
sociaux, de l’éducation…) sont menés en France qui prennent en compte l’ethnicité, mais ne sont pas rendues
publiques.

Extrait CMCR-UN_Contribution_MIR au Groupe de travail des Experts d’Ascendance Africaine des nations Unies, mai 2021. IV.3 MISE EN APPLICATION DU PROGRAMME DES NATIONS UNIES :
DECLARATION ET PROGRAMME D’ACTION DE LA CMCR.