Louis XIII l’aurait autorisé, mais de l’Edit royal on ne trouve pas trace. Des religieux dénoncent la pratique, aux côtes d’Afrique comme aux côtes d’Amérique. L’Edit royal de 1685 rédigé par Colbert (premier document de ce qui formera le Code Noir) prétend légaliser l’esclavage. Qu’en disent alors les autorités …

Le Parlement de Paris n’a jamais accepté de l’enregistrer. Donc, il est entaché d’illégalité du début à la fin.

Retour sur l’histoire coloniale dans les Amériques

C’est en 1534 que le Français Jacques Cartier « prend possession » du Canada.
Au siècle suivant, partant du Canada, la France entame une colonisation en direction du
sud ; l’ensemble du territoire contrôlé par les Français dans la région actuelle des États-Unis,
du XVIIe au XVIIIe siècle, est dénommée Louisiane (Territoire immense s’étendant des États
actuels du Montana et du Dakota du Nord à la frontière canadienne à l’actuel État de la
Louisiane au sud).
3 Mouvement International pour les Réparations
2ème Partie
Les hostilités entre Français et Britanniques se soldent au milieu du XVIIIe siècle par la perte
de la plupart des « possessions » françaises en Amérique du Nord, et la Louisiane se réduit
à une portion de territoire au sud. En 1803, l’écrasement des troupes françaises à Saint-
Domingue (voir ci-dessous Haïti) cumulé à la rupture de la paix avec le Royaume-Uni,
convainc l’État français de vendre la Louisiane aux États-Unis.
Martinique et Guadeloupe (colonies françaises de) :
Durant le XVIe siècle, les puissances coloniales européennes rivales bloquent les tentatives
de colonisation française dans la Caraïbe.
Par la suite, certaines îles (telles que Sainte Lucie ou la Dominique) après avoir changé de
mains plusieurs fois échapperont à la France. Ce sont aujourd’hui des pays indépendants.
La Martinique et la Guadeloupe deviennent quant à elles durablement
propriétés françaises en 1635, et les premiers Africains déportés y
arrivent en 1644. « …Les Barbadiens n’ont pas été les seuls élèves de l’expansionnisme
hollandais. L’expulsion des Juifs du Brésil en amena un millier en Guadeloupe en 1654 et
trois cents autres en Martinique. Les premières expérimentations françaises en matière de
culture de la canne et de production sucrière reçurent un important stimulus de cette
immigration ».4
Guyane (colonie française de):
Les tentatives françaises d’implantation en Amérique du Sud, notamment sur le littoral du
Brésil, sont repoussées par les Portugais qui expulsent définitivement les colons français en
1615 à l’issue d’une expédition armée.
La colonisation française de la Guyane débute en 1604 mais est retardée par la résistance
des habitants et le manque de moyens des colons ; elle prend officiellement date en 1652,
année de l’arrivée des premiers Africains déportés : « ils étaient au nombre de quinze et
avaient été capturés d’un navire anglais ». Après une brève occupation hollandaise qui
apporte la culture de la canne à sucre, et quelques hostilités avec les rivaux Anglais, le
territoire passe durablement sous contrôle français.
Haïti :
C’est en 1697, que l’Espagne reconnaît le contrôle par la France du tiers de l’île. L’île avait
été (abordée) découverte en 1492 par Cristobal Colon, et les premiers Africains déportés y
étaient (débarqués) arrivés en 1501.
Réglementations et abolitions de l’esclavage dans les colonies françaises
1685, le Royaume de France promulgue le Code Noir,
1789, la Révolution française évoque et abandonne l’idée d’abolition de l’esclavage eu égard
aux pertes que cela entraînerait,
1791, les Africains en esclavage à Saint-Domingue (Haïti) combattent pour leur libération et
gagnent,
1794, au vu de la libération bien ancrée des ex-esclaves à Saint-Domingue et de son impact
sur les colonies voisines, la République française abolit officiellement l’esclavage. C’est la
première abolition.
1802, l’Empereur Napoléon décide de restaurer l’esclavage.
1802, Mai, Guadeloupe – Des centaines de combattants défaits par les troupes de Napoléon
décident de se faire exploser après avoir tué le plus grand nombre possible d’esclavagistes
(Ce sont les « rebelles du Matouba » conduits notamment par Delgrès),
4 Eric WILLIAMS, From Columbus to Castro, The History of the Caribbean 1492-1969, Vintage books ed.
Feb. 1984, p.114
2ème Partie
1803, Novembre, Saint-Domingue, les troupes de Napoléon sont écrasées par les
combattants de la liberté qui en janvier 1804 proclament l’indépendance de leur pays,
baptisé Haïti. C’est le (premier Etat antiesclavagiste et anticolonialiste) second État
indépendant des Amériques.
1848, seconde et dernière abolition française de l’esclavage. La République française
dédommage les esclavagistes pour leurs pertes, ordonne aux ex-esclaves d’oublier et de se
réconcilier avec les ex-esclavagistes, criminalise le vagabondage (pour celui qui refuse de
demeurer sur la plantation à travailler pour son ancien maître), et organise la venue de
travailleurs de l’Inde.
Bien que la table ronde d’Addis Abeba ne soit pas un colloque d’histoire, partant des
communications traitant du Surinam (Histoire coloniale de la Hollande & Étude de Cas sur
les Réparations), c’est l’occasion à la fois :
– de montrer la communauté de cette histoire coloniale entre les différents territoires
des Amériques, et l’aberration que sont les divisions, voir la xénophobie (parmi les
descendants d’Africains déportés en Amérique) à l’intérieur de notre Diaspora des
Amériques (voir Racisme anti-noir et xénophobie dans les colonies françaises),
– de souligner l’importance de notre prise en main de l’écriture de notre propre histoire,
et de son inscription dans le paysage officiel que sont les noms des rues et des édifices
et les monuments,
C’est pourquoi nous présentons ci-dessous une page de l’histoire de la Guyane, basée sur la
tradition orale guyanaise, et présentée par un membre du MIR-Guyane lors de la
commémoration en 2004 de l’abolition de l’esclavage qui était intitulée :
Guyana, 10 juin 1848 – 10 juin 2004
Du Marronage à la Réparation
La colonisation de la Guyane a débuté à Armire.
« Les premiers esclaves sont arrivés en Guyane en 1652. Ils étaient au nombre de 15 et
avaient été capturés d’un navire anglais. Entre temps, les Juifs étant indésirables dans les
colonies espagnoles et portugaises, un petit groupe d’une soixantaine d’entre eux fuyant le
Brésil s’est installé à Armire avec leurs esclaves. Forts de leur expérience de la canne à
sucre, ils la développèrent en Guyane et installèrent la première sucrerie ainsi qu’un moulin
hydraulique. On sait que suite à leur départ de la colonie pour le Suriname, l’ancienne église
du quartier fut construite à l’endroit même où se dressait une synagogue. Après une brève
occupation anglaise, la France va s’imposer en Guyane et elle installera les jésuites sur les
terrains abandonnés par les juifs.
La réussite de cette congrégation religieuse est due au travail forcé arraché aux Noirs en
esclavage. »
Au XVIIIe siècle, le départ forcé des jésuites, la révolution française (1789) et la 1ere
abolition de l’esclavage (1794), et le développement de Cayenne entraînent le déclin
d’Armire. En 1802 l‘esclavage est rétabli par Napoléon, et on enregistre au XIXe siècle un
relèvement des productions coloniales avec la mise en place de nouvelles habitations. La
principale est l’habitation Mondélice appartenant au colon VIDAL DE LINGENDES. Il
possèdera même une machine à vapeur. Avec 300 esclaves, cette habitation devient en
1830 la plus grande sucrerie de la Guyane.
Elle sera abandonnée en 1880.
En plus des travaux agricoles, les Africains vont être affectés à des travaux de terrassement,
et notamment à la construction de canaux (dont le fond peut être pavé) et de digues, et au
surcreusement de criques, en Guyane comme au Surinam.
2ème Partie
Les canaux permettaient les déplacements des personnes et l’acheminement des produits,
par exemple les produits agricoles pour les propriétaires d’esclaves portugais du Brésil.
Au début du XXe siècle, après l’irruption volcanique en 1902 de la Montagne Pelée, la ville
d’Armire connaîtra un nouvel afflux de population, avec l’installation de réfugiés venus de
Martinique. ….Trompés par les autorités françaises, ils seront abandonnés à leur sort et
installés dans la partie la plus marécageuse, et ne pourront compter que sur la solidarité de
la population guyanaise.
TÉMOIGNAGE D’ANTONE LABONNE, CAPITAINE DES SARAMAKA DE CAYENNE
A PROPOS DE L’HABITATION DE VIDAL
« Quand nous allions à la chasse sur le site de Vidal, ce que les grandes personnes de
Roura me racontaient, (…) c’est que VIDAL était un colon juif français et qu’il était associé
avec un autre colon juif hollandais, Goliath MARTIAL, qui vivait au Surinam mais se rendait
régulièrement en Guyane. Lui aussi avait des Africains en esclavage. (…) Ce qu’il faut savoir
de cette relation entre ces deux colons, c’est que les esclaves qu’ils possédaient étaient des
parents. (…) lorsque l’un possédait un plus grand nombre d’esclaves, il en vendait à l’autre.
(…) A Martial-crique au Surinam, il y avait bien avant le site VIDAL une usine hydraulique.
Les nègres de Goliath MARTIAL savaient déjà faire tourner l’usine, c’était un moulin
hydraulique. Là-bas on appelle ces nègres « Martial-nengé » et finalement comme ils
travaillaient dans une usine utilisant l’eau ils avaient encore un autre nom « wata bii nengé »
(nègres du moulin à eau). Ce sont les mêmes qui ont été vendus par MARTIAL à VIDAL.
(…) Les premiers noirs à organiser le marronnage sont les wata bii nengé, mais leur vrai
nom d’Afrique c’est Kwaby ; ces nègres-là leur village en Afrique s’appelle Massay. (…) En
Guyane, les nègres de la plantation VIDAL ont marronné aussi, mais certains ont été de
nouveau capturés. CHENBO en était d’ailleurs. (…). Il avait été vendu à VIDAL pour
rentabiliser le travail du fait de sa compétence et c’est à partir du domaine VIDAL qu’il a
maronné jusqu’à son exécution. Je n’ai pas le nom de la personne qui l’a trahi. (…) Sa tête
coupée était exposée au musée local de Cayenne. Depuis sa tête n’y est plus mais j’ai
quand même eu la chance de le voir. C’était un beau nègre. J’avais 18 ans et quand j’ai
demandé à mon père la signification de ce geste des autorités, il m’a dit de ne pas chercher
à comprendre et qu’il fallait que je cesse d’aller voir la tête de CHENBO et que ce n’était pas
une bonne chose pour moi.
(…)
Je reviens sur les nègres vendus par Goliath MARTIAL… Certains d’entre eux aussi étaient
vendus par VIDAL à des Portugais eux aussi propriétaires d’esclaves. On en retrouve dans
la région de Bahia au Brésil (…) Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’en ce temps là, il n’y
avait pas de Saramaka, pas de Boni, pas de Djuka (Dju signifiant Juif), pas de Paramaka,
Watawaï et Kwenty, ces noms ont été attribués aux nègres selon le lieu où ils vivaient. Nos
langues ont une racine commune, c’est pour cela que nous nous comprenons, bien que
nous ayons des différences propres à chacune de nos langues. Quand nous faisons
raisonner le tambour APINTY de communication, il n’y a pas de différence non plus. Donc à
l’époque, nous étions tous des Africains. »
Et pour clore ce rapide tour en Guyane, on peut observer qu’en 2007, l’aéroport de Cayenne
s’appelle toujours « Aéroport International de Rochambeau ». Rochambeau est le nom du
Major des troupes françaises envoyées en 1802 par l’Empereur Napoléon pour restaurer
l’esclavage, et écraser les combattants de la liberté haïtiens. Il reste dans l’histoire comme
l’homme qui haïssait les Noirs ; comme le tortionnaire sadique de Maurepas en Haïti ;
comme le spécialiste de l’usage des chiens comme armes, des chiens dressés à dévorer les
êtres humains.
2ème Partie
Le choix des autorités françaises, en dépit des protestations des militants, de maintenir au
XXIe siècle le nom de cet homme-là, à cet aéroport-là, résume à lui seul tout l’esprit de la
colonisation française qui perdure.