FORUM PERMANENT DES PERSONNES D’ASCENDANCE AFRICAINE 1 ère session, OHCHR, Genève, 5-8/12/2022
EQUALITY - Contribution MIR-CRCH

L’instauration de l’égalité requiert : un changement de paradigme, une rectification de l’histoire gravement falsifiée, et la pleine reconnaissance des crimes du passé laquelle ouvre sur les réparations

Intervention de Peter Lema, au PFPAD, Nations-Unies.

Bonjour,
J’interviens au nom d’un groupe d’associations dont le Mouvement International pour les Réparations
(MIR).
Nous nous félicitons que la première session de ce forum se déroule en 2022, l’année qui marque les
800 ans de la Charte du Manden, une expression ouest-africaine de l’UBUNTU. Décembre 1222 c’est le
moment où les combattants anti-esclavagistes édictent en socle fondateur de l’Etat du Mali, la CHARTE
DU MANDEN. Un énoncé qui débute par :

Toute vie (humaine) est une vie.
Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre vie,
Mais une vie n’est pas plus « ancienne », plus respectable qu’une autre vie.
De même qu’une vie n’est pas supérieure à une autre vie.
Toute vie étant une vie,
Tout tort causé à une vie exige réparation

Un énoncé qui, au 13ème siècle, a pour objet la double préservation des droits collectifs & des droits
individuels ; raison pour laquelle l’UNESCO l’a placée au patrimoine immatériel de l’Humanité. UBUNTU,
CHARTE DU MANDEN voilà nos RÉFÉRENCES ENDOGÈNES que nous voulons voir expressément
figurer dans la Déclaration mondiale des droits des personnes d’ascendance africaine.
Sur cette question de PARADIGME, comme l’avait souligné Audre Lorde, nous n’aspirons pas à devenir
des contremaîtres sur la plantation. Nous sommes ici pour rompre avec un paradigme qui scinde
l’humanité en catégories hiérarchisées. Un paradigme hérité du Code Noir français qui en 1685 réinstitue
l’esclavage dans le Royaume de France & le réserve spécifiquement et uniquement à une catégorie de
l’humanité, les Noirs ; ce que nous voulons, c’est une rupture d’avec ce paradigme de la ségrégation et
de l’apartheid, et qui est toujours d’actualité en pleine décennie 2015-2024.

Un paradigme vivace aux USA notamment. On se rappelle que quand en 1978, l’ambassadeur des Etats-
Unis auprès des Nations Unies, Andrew Young, de passage à Paris, a dénoncé les milliers

d’emprisonnements politiques, il a été limogé ; et on constate que 40 ans plus tard, alors que les portes
1 COLLECTIFS : Cercle du Marronnage (lecercledumarronnage@gmail.com), Cercle Frantz Fanon (cercleff.1961@gmail.com),
Collectif Black LGBTQI – France (collectifblacklgbtqi@yahoo.com), Collectif International Panafricain Mumia Abu Jamal de
libération des Prisonniers politiques historiques des USA (cipmaj.ppus@gmail.com), Collectif Vies Volées
(viesvolees.france@gmail.com), Collectif Zéro chlordecone Zéro poison (zczp.paris@gmail.com), Comité d’Organisation du 10
Mai (comitedixmai@gmail.com), 6th Region Diaspora Caucus (srdazcf@gmail.com).

PFPAD – OHCHR – December 2022
CRCH-Coalition pour la Reconnaissance des Crimes contre l’Humanité de l’esclavage et de la colonisation
MIR- Mouvement International pour les Réparations
SESSION WEDNESDAY 7, PM – EQUALITY/ÉGALITÉ/IGUALDAD 2
des goulags se sont ouvertes à l’Est, les portes des prisons américaines sont restées closes; et que les
défenseurs des droits humains du mouvement des droits civiques, détenus à partir des années 1960-
1970 meurent les uns après les autres dans l’indifférence des pouvoirs successifs ; ça a même un nom:
‘la mort par incarcération’. Or chacun peut aussi constater, qu’a contrario, après la chute de l’apartheid,
le pouvoir noir en Afrique du Sud a prôné l’UBUNTU; et que considérant qu’une page était tournée, les
dirigeants sud-africains ont permis aux anciens supporters de l’apartheid de continuer à vivre en paix en
Afrique. Mais qu’à l’inverse, aux USA, le pouvoir persiste à maintenir en prison les combattants de
l’égalité, supporters des droits humains. C’est une situation intolérable, à laquelle ce Forum doit aider à
mettre fin.
Si toutes les vies n’ont pas la même valeur, c’est certes lié au rapport de force militaire et économique
actuels, mais c’est aussi parce que les pouvoirs dominants délivrent un récit de l’histoire qui façonne un
imaginaire collectif défavorable aux personnes d’ascendance africaine. Raison pour laquelle nous
proposons que ce forum ouvre le chantier de la déconstruction de la FALSIFICATION DE L’HISTOIRE.
(1) Mensonge dans les récits, (2) Retouche des images et en particulier des portraits, (3) traductions
fallacieuses, (4) dissimulation ou destruction de documents et artefacts. Et nous souhaitons que ce
chantier débute par la remise en cause de la terminologie employée EN FRANCAIS par les Nations Unies,
pour traduire Human Rights. Nous sommes radicalement opposés au maintien de l’expression ‘Droit de
l’Homme’, empruntée à la Déclaration française de 1789, qui ne concernait que les hommes blancs &
possédants. Nous sommes en faveur de l’expression ‘Droit de l’Humain’ (qui s’inscrit dans la terminologie
contemporaine en contrepoint de ‘droits de l’animal’) ou droits humains.
Et pour finir, concernant l’évènement parallèle sur les RÉPARATIONS que nous organisons ce
mercredi soir, il faut savoir qu’en 2005, en se fondant sur la loi adoptée par la France qui qualifie le
couple traitre-esclavage crimes contre l’humanité, le MIR a entamé une procédure en réparation. Et que
15 ans plus tard, en 2020 le dossier a été jugé recevable par la Cour européenne des droits de l’homme.
Il va de soi que ces procédures ne concernent pas que les Noirs de l’espace français ; les trafiquants
d’êtres humains commerçaient entre eux, et il y eut un temps où la Louisiane (du nom de Louis, Roi de
France) couvrait la moitié des actuels Etats-Unis. Nous vous invitons donc à 19h à la maison des
associations, Salle Sankara à dialoguer avec les avocats qui ont mené cette bataille judiciaire, et à
rencontrer d’autres intervenants avec lesquels approfondir sur l’affrontement de paradigme qui est pour
nous l’enjeu ultime. Matondo, Merci

Expliquer ce qu'est la créolité, c'est décortiquer ce qu'est le statut d'affranchi.

L’avocat du pôle juridique MIR, Maître Dominique Monotuka, l’a bien expliqué, dans ses recherches, communément appelées,  » Ne m’appelez pas créole « . Il fait état de ce sous-statut attribué aux africains réduits en esclavage dans l’espace concentrationnaire d’Amérique, au moment de la deuxième abolition de l’esclavage, en 1848. Alors que l’Etat rachète aux anciens propriétaires-planteurs, leurs « cheptels ». Pour qu’ils créent des banques et des économies de comptoir. Cela, avec la mise en place d’un arsenal juridique répressif, prévu pour maintenir les esclavisés dans la plantation, à travailler pour leurs anciens maîtres. Ainsi, est mis en place le délit de vagabondage.

Définition de la créolité : Adopter les goûts et habitudes du colon. 

Ce qu’il faut rappeler, c’est que il était d’usage dans l’ancien régime d’appelé créole, le colon (blanc) qui vient dépenser sa fortune dans la (métropole).

Par conséquent, lorsque Maître Monotuka exprime clairement sa volonté de ne pas s’assimiler. Il met en avant son désir de protéger son équilibre et son statut d’être humain. Alors que le système esclavagiste et son corpus criminel appelé Code Noir, considère l’africain comme un bien meuble.

Combattre la créolisation c’est imposer notre paradigme égalitaire TUT MUN Sé MUN, UBUNTU, FILIALITE. Pour stopper et démanteler le GENOCIDE, MENTACIDE, ECOCIDE. Vous l’avez compris, c’est vital !

mirfrance.reparations@gmail.com crch.coalition2011@gmail.com1

PFPAD – OHCHR – Décember 2022
CRCH-Coalition pour la Reconnaissance des Crimes contre l’Humanité de l’esclavage et de la colonisation
MIR- Mouvement International pour les Réparations

NOUS EXIGEONS L’ABOLITION IMMEDIATE DU STATUT JURIDIQUE D’AFFRANCHI

Nos recherches nous ont permis de démontrer que si les Afro-descendants sont et demeurent dominés en MARTINIQUE par les Blancs Créoles, ce n’est pas le fruit du hasard, mais la conséquence d’un système institutionnel et juridique que nous qualifions de « créole », qui leur a été habilement imposé par l’Etat français, avec la complicité active des Blancs Créoles.

STATUT D’AFFRANCHI = ASSIMILATION JURIDIQUE = DEPARTEMENT D’OUTRE-MER = DEPARTEMENTALISATION

L’étude approfondie de notre statut juridique actuel nous a permis ainsi de constater qu’effectivement, nous sommes toujours régis par un des statuts du Code Noir, à savoir le statut juridique d’affranchi, qui est un des statuts du système d’exploitation esclavagiste, qui n’a jamais été aboli, mais qui nous fut généralisé en 1848[1] et énoncé depuis sous différents synonymes (« assimilation juridique », « département français d’outre-mer » ou encore « départementalisation », néologisme créé par A. CESAIRE après qu’il a jugé l’appellation « assimilation » trop humiliante).

En effet, sur le plan du droit donc, il est ainsi édicté et appliqué que nous, populations colonisées, n’avons hérité qu’insignifiance de nos ancêtres tout simplement parce que ces derniers n’ont rien inventé d’intéressant, que leurs mœurs, nos mœurs, nos coutumes, notre Histoire sont sous-humains et ne sont donc d’aucun intérêt pour que le droit qui nous régit puisse en naître. Que les institutions scolaires, universitaires, les politiques ou le jurislateur qui nous dirigent n’ont que faire de cette dimension de notre humanité, de notre intériorité, de notre dimension culturelle, de notre sagesse. Bref, qu’ontologiquement, nous n’avions pas la possibilité d’exister sur le plan du droit en tant que personnes humaines. Contrairement aux Blancs.

Et pourtant, la Règle de droit, n’est-elle pas d’abord l’expression juridique de l’existence d’une population humaine donnée ? En tous les cas, pas celle qui nous régit, puisqu’elle nous impose unilatéralement le statut d’affranchi, l’assimilation juridique, niant ainsi notre égale humanité avec les Blancs.

NOS ELUS DE LA FIN DU 19e SIECLE ET DU DEBUT DU 20e SIECLE LE SAVAIENT MAIS NOUS L’ONT CACHE

Et pour Cause ! Nos élus le savaient ! c’est pourquoi le Conseil Général de la Martinique a adressé le 24 novembre 1874 une requête à l’Etat français qui, s’il en était besoin, permet de bien illustrer cette vérité :

« Considérant que la qualité et les droits de citoyen français datent, pour les habitants des Antilles, de la fondation des colonies, que c’est le roi Louis xiii qui, dans son édit de 1642, concernant l’établissement de la Compagnie des îles d’Amérique, a voulu et ordonné : ‘‘Que les descendants des Français habitués aux dites îles, et même les sauvages convertis à la foi chrétienne, en faisant profession, soient censés et réputés naturels français, capables de toutes charges, honneurs, successions et donations, ainsi que les originaires et regnicoles, sans être tenus de prendre lettre de naturalité…’’

Que loin d’être abrogée à la reprise des colonies par le roi Louis xiv sur les seigneurs, cette disposition a été confirmée, octroyée aux affranchis par l’article 59 de l’Edit de 1685 […]

Considérant donc qu’en accordant les droits politiques aux populations coloniales en 1848 et en 1870, le gouvernement n’a fait que consacrer à nouveau des droits acquis antérieurement et remettre la pyramide sur sa base suivant une parole célèbre reproduite dans la pétition du Sénat de 1865.

[..]

Que cette revendication a été renouvelée en 1865 par une pétition au Sénat signée baron de Lareinty, au nom de 1.717 habitants de la Martinique, et en mars 1871, une commission de 45 membres de l’Assemblée Nationale […] :

‘‘Qu’il y aurait lieu de soustraire les colonies au régime exceptionnel et de les faire jouir des lois et de l’administration de la Mère-Patrie, en prenant pour devise de ce grand mouvement réparateur : assimilation politique des colonies à la Mère-Patrie.’’

Considérant que cette devise est devenue celle de tous les bons citoyens, aux yeux et dans les convictions desquels l’assimilation est le meilleur moyen d’assurer la paix et la concorde entre les anciennes classes divisées de la société coloniale ; de même que l’ordre, la conciliation et le progrès que le chef de la colonie nous déclarait hier être la voie dans laquelle entend marcher l’Administration, et la seule à laquelle s’attache la prospérité que nous désirons tous.

Émet le vœu : que les lois constitutionnelles attendues, particulièrement la loi électorale, comprennent les colonies comme terres françaises, parties intégrantes de la République, soumises à la même loi constitutionnelle, admise définitivement à la jouissance des lois et de l’Administration française [2] ».

Le 7 décembre 1882, ce même Conseil Général persiste : « Considérant que la Martinique qui est française depuis plus de deux siècles, qui jouit depuis 1870 des mêmes droits politiques que la métropole, se trouve dans les meilleures conditions possibles pour être assimilée complètement avec la mère-patrie.

Considérant qu’il importe de faire disparaître les différences humiliantes qui existent entre la colonie et un département français. […]Renouvelle en l’accentuant le vœu qu’il a émis le 24 novembre 1874 et demande que la Martinique soit constituée le plus tôt possible en département français [3] ».

Or, bien que les élus locaux, comme il est ainsi démontré, avaient l’habitude de faire régulièrement référence au Code Noir et au statut d’affranchi comme étant l’ordre juridique qui nous régente effectivement et dont ils demandaient l’application pleine et entière ; bien qu’ils savaient et reconnaissaient parfaitement et sans aucune sorte d’ambiguïté que le statut d’affranchi est le même que celui de l’« assimilation » et de « département français » dans leur territoire, nous assisterons pourtant, à un moment donné, durant la première moitié du 20ème siècle, à une subtile disparition de la catégorie « affranchi » dans l’énoncé officiel tant de nos élus que de celui de l’Etat Français.

Pourquoi est intervenue une telle cachotterie des élus Martiniquais ? ont-ils voulu ainsi nous illusionner ? au profit de qui ? ou encore, est-ce parce qu’ils ont ressenti l’imposition d’un tel statut comme étant trop humiliante et ont souhaité dès lors nous épargner l’effet d’une telle prise de conscience ? En tout les cas, ils nous ont caché cette vérité !

L’ASSIMILATION JURIDIQUE EST INCONSTITUTIONNELLE EN CONSEQUENCE

exigeons l’abolition du statut d’affranchi et sa substitution par le statut de personne juridique humaine.

Plus communément appelé Filialité = TUT MUN SéMUN.

[1] Contrairement aux statuts juridiques d’« esclave » et de « meuble » qui, eux, ont été abolis en 1848.

[2] Victor SABLÉ, La transformation des isles d’Amérique en départements français, pp. 89-92.

[3] Victor SABLÉ, La transformation des isles d’Amérique en départements français,pp. 91-92.

PROPOSITIONS POUR UN SYSTEME EDUCATIF REMANIE

Nous avons observé ces dernières années une recentralisation de tous les pouvoirs en France « métropolitaine » (banques, direction des Télécommunications, impôts, EDF etc).


Le système éducatif est soumis aux mêmes principe. Le recrutement systématique d’un personnel de direction blanc dans toutes les administrations de la MARTINIQUE et dans l’école en est la démonstration.


Le gouvernement est passé à une étape supérieure : éradiquer toute spécificité culturelle à la racine par une politique d’assimilation sauvage.


L’université en MARTINIQUE n’est pas ouverte sur la connaissance globale et totale. Les filières existantes ne permettent pas de former la jeunesse de telle sorte qu’elle rentre en possession des théories sociales, économiques, philosophiques développées dans les autres universités.


L’université doit se donner les moyens de former une élite capable de réinvestir ses compétences et son savoir pour le développement de la MARTINIQUE. L’université devrait être tournée vers son environnement immédiat (CARAÏBE, AMERIQUE).

D’ORES ET DEJA, NOUS EXIGEONS EN MATIERE D’EDUCATION ET DE FORMATION :

· Une ouverture urgente de chaires en Sciences Sociales (sociologie, psychologie, anthropologie, philosophie). Nos sociétés ayant été construites sur des théories racistes et déshumanisantes, la vision de nous-même est erronée et doit être déconstruite afin de mieux défendre notre pleine humanité.


·
Une impérative coopération entre les universités de la CARAÏBE et l’UAG,) dans le but de confronter, partager des compétences, des approches plurielles  (sociales, économiques, etc…), d’améliorer la communication (plurilinguisme) et de profiter de leurs expertises.


·
Une nécessaire reconnaissance et validation des formations acquises dans les universités Caribéennes.

 
·
La création d’une chaire en sociologie, philosophie et langues et cultures africaines.

 
·
Une urgente création d’outils pédagogiques accessibles à tous qui passe par la création d’une édition universitaire permettant de diffuser et vulgariser le savoir.

 
·
Il faut élaborer des structures pour mettre en synergie toutes les recherches qui sont faites au sein de l’UAG, pour leur plus grande diffusion dans un cadre non académique (tables rondes, ateliers d’expression, entretien avec les chercheurs).

 
·
 La création d’un centre d’étude Afro-caribéen-américain doté d’un observatoire constitué notamment de membres issus d’associations ayant œuvré à la connaissance des civilisations africaines.

Article de Dominique Monotuka

  • Maître Dominique Monotuka est Président de l’association des avocats martiniquais, ainsi que membre actif du pôle juridique du MIR-Martinique
  • IREHA – Institut de Recherche et d’Etudes de l’Histoire des Amériques